Raffles 1887
Whitehall est un quartier de Londres avec une riche histoire et des particularités qui intriguent. Coauteur du livre « The OWO », CLIVE ASLET nous invite à marcher dans la ville de Londres pour découvrir des palais et des monuments majestueux. Il nous partage ci-dessous ses 20 balades préférées à partir de l’Old War Office.
En sortant du somptueux hall en marbre de l’Old War Office, vous pouvez déjà apercevoir certains des bâtiments les plus connus d’Europe. D’un côté de Whitehall, le palais et l’abbaye de Westminster. De l’autre, la place de Trafalgar et la colonne Nelson. C’est un ensemble architectural dense, qui peut s’expliquer par la longue histoire de ce quartier de Londres.
Fermez les yeux. Oubliez les voitures et les bus. Remontez jusqu’à la période Tudor, si ce n’est encore avant, lorsque Westminster était distincte de la ville de Londres. Dans ces espaces verts et boisés se trouvaient trois palais royaux : le palais de Westminster (de son nom officiel, désignant aussi les Chambres du Parlement), le palais de St James et le palais de Whitehall. Les palais de Westminster et de St James se dressent encore dans le paysage moderne. Le plus massif et tentaculaire, le palais de Whitehall, fut détruit par le feu à la fin du XVIIe siècle. Guillaume III, le roi chargé de la reconstruction, également le prince d’Orange ayant épousé la reine Marie, souffrait d’asthme. C’est ainsi qu’il décida de construire un palais à Kensington, où l’air y était plus agréable.
Aujourd’hui, du palais de Whitehall ne subsiste que la maison des Banquets d’Inigo Jones, à côté de l’Old War Office : un lieu de plaisir conçu pour divertir les cours de James I et Charles I. Sur le plafond, on peut voir James I s’envoler pour le paradis dans une peinture réalisée par Rubens lui-même. Depuis la fenêtre de la maison des Banquets, on put voir Charles I fouler la terre de ses pieds pour la dernière fois avant de monter sur l’échafaud où un bourreau fortement grimé, par peur des représailles de la foule, lui coupa la tête. Aujourd’hui, la mémoire de ce roi courageux, bien qu’inefficace, est représentée dans un portrait équestre élégant surplombant Whitehall depuis son socle, au sud de la place de Trafalgar.
À cette époque, Londres n’était encore qu’une petite ville. Les hommes d’État et les courtisans pouvaient marcher d’un palais à l’autre en quelques minutes. Les siècles suivants ont engendré de nombreuses modifications, mais la ville reste très agréable pour se promener à pied. C’est peut-être pour cela que j’y vis. J’adore marcher, découvrir la riche histoire de Londres et ses particularités qui intriguent. C’est ici que je suis né, il y a un petit moment déjà. J’aimerais maintenant vous partager mes endroits favoris.
Impossible de visiter Londres sans passer par le palais de Westminster, reconstruit en grande partie suite à un incendie en 1834. Le symbole international de Londres, que beaucoup appellent à tort « Big Ben » désignant ainsi la plus grosse cloche et non la tour, était appelé la tour de l’Horloge avant d’être rebaptisé la tour Élisabeth suite au jubilé de diamant de la regrettée reine Élisabeth II en 2012. À côté de la tour Élisabeth se trouve une relique d’une période encore plus ancienne : le Westminster Hall, construit par le fils de Guillaume le Conquérant, Guillaume II, revenu spécialement de France en 1099 pour y organiser une cérémonie. On doute qu’une autre structure de cette ampleur ait existé en Europe à la même période. Richard II commanda des rénovations pour y intégrer un toit en blochet, typique de la charpenterie médiévale.
À côté du palais, la construction d’une abbaye fut entreprise par le dernier roi des Saxons, Édouard le Confesseur, qui souhaitait y être enterré. Elle devint, littéralement, la « West Minster » (la cathédrale ouest). On la retrouve dans la tapisserie de Bayeux, trace de l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. On y voit un maçon marchant entre les deux bâtiments pour y installer la touche finale : la girouette. Édouard le Confesseur était un roi, mais aussi un saint, ce qui explique pourquoi Henri III transforma la cathédrale en rempart de la monarchie au moment où le culte de Thomas Becket, ami puis ennemi d’Henri II, attirait de nombreux pèlerins à Canterbury.
Le palais de St James était à l’origine un pavillon de chasse, un refuge pour les monarques. À côté, le parc de St James est une relique du parc à cerfs. Charles II et son frère, le duc d’York (avant de devenir Jacques II), y passaient beaucoup de temps en compagnie de leurs chiens. En 1661, Charles II vit le duc d’York jouer au pall-mall. D’après ses dires, c’est alors qu’il découvrit ce sport. L’actuelle rue de Pall Mall, le cœur du quartier des clubs de gentlemen, tient son nom de ce jeu. Ce que nous connaissons désormais comme la place Trafalgar était autrefois le théâtre d’une activité tout autre. Elle accueillait les Royal Mews, les écuries de la famille royale, où les premiers rois abritaient leurs chevaux et leurs aigles.
Derrière le palais de Whitehall, les rives de la Tamise regorgeaient de charmantes auberges, construites pour héberger les riches archevêques et autres prélats venus rendre visite à la cour. Pendant la période Tudor, les nobles les plus puissants du pays se les sont appropriées. Le duc de Somerset, lord-protecteur de l’Angleterre et régent du pays pendant le règne du petit Édouard VI, donna son nom à la Somerset House et y demeura jusqu’à son renversement et exécution. La Somerset House entra dans la tradition comme la propriété des reines anglaises. La dernière y ayant vécu fut Henriette Marie de France, veuve de Charles I. Après l’exécution de son mari, elle rejoint la Restauration avec ses 24 domestiques. Française, elle les vêtait de longues soutanes noires, blasonnées uniquement d’un soleil d’or. Le comble du chic.
À l’instar du palais de Whitehall, ces somptueuses résidences changèrent de fonction lorsque la cour déménagea vers l’ouest, à Kensington. Certaines furent réorganisées en des rues résidentielles, portant souvent le nom de leurs illustres anciens occupants. Ainsi, Charles Villiers, le puissant duc de Buckingham, continue d’exister à travers Charles Street, Villiers Street, Duke Street et Buckingham Street. Hélas, Of Alley n’existe plus. Les résidences toujours détenues par le monarque, quant à elles, furent assignées aux fonctionnaires. Ce fut le cas de la Somerset House, originellement conçue par Sir William Chambers pour renfermer des bureaux au luxe inouï pour la Royal Navy et d’autres services d’état. Elle abrite désormais la Courtauld Gallery et plus de 120 organisations créatives, comme des troupes de danse et le British Fashion Council.
Le terrain actuel de l’Old War Office a connu une transformation similaire. Lorsque les bureaux utilisés par le War Department (bureau de la Guerre) furent considérés non seulement comme peu pratiques, mais aussi potentiellement mortels suite au décès de plusieurs fonctionnaires de haut rang y ayant contracté la typhoïde, un nouveau site fut défini à Whitehall. Ce terrain restait sous la responsabilité de l’Office of Woods and Forests (bureau des Espaces boisés et des Forêts), chargé de la gestion de la terre de la Couronne. Les généraux et administrateurs se l’approprièrent en 1906, pour une durée de moins d’un siècle. En 2023, il fut réouvert en grande pompe sous la forme d’un hôtel, le Raffles London at The OWO. Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.
LE LONDRES CACHÉ DE CLIVE
J’espère que vous avez aimé découvrir les trésors de Londres que je vous ai sélectionnés. Voici 20 lieux à visiter après une courte marche depuis l’Old War Office. Peut-être nous y croiserons nous un jour. Bonne balade !
Station de métro Aldwych
Aujourd’hui sur une ligne secondaire abandonnée, découvrez l’intacte station historique autrefois appelée Strand, un trésor pas si caché. Ouverte en 1907, elle a été conçue pour soulager les calèches sur The Strand lors des soirées théâtres prisées de la ville. L’incroyable extérieur en terre cuite vernissée couleur rubis a été pensé par Leslie Green. L’intérieur évoque le summum du glamour du mouvement Arts and Crafts. Les quais fermés en 1917 sont aujourd’hui le lieu de prédilection des réalisateurs, et apparaissent dans des films tels que Die Another Day, Atonement, The Krays et Sherlock.
Berry Bros & Rudd
Imaginez les marchands de vin de St James au XVIIe siècle. Ne vous laissez pas tromper par la taille modeste de la structure principale. En dessous, l’espace s’étend sur 8 000 mètres carrés. À l’étage, les énormes balances peuvent peser des hommes (ou des femmes) et le registre des ventes comprend le célèbre dandy Beau Brummell.
Algerian Coffee Stores
Ouvert en 1887, ce café historique propose plus de 80 variétés de café et 120 variétés de thé. La boîte aux lettres rouge de la devanture du magasin est toujours la propriété de la famille. À l’intérieur, le comptoir, les étagères et les affiches authentiques du XIXe siècle suscitent la nostalgie.
James Smith & Sons
Fabricants de parapluies et de cannes. C’est l’endroit IDÉAL pour acheter un parapluie, tout comme Saville Row est le lieu de prédilection des tailleurs minutieux. Construite en 1880, la boutique a depuis été parfaitement rénovée. Sa large gamme est produite dans la cave d’un atelier de la marque. Une chose est sûre : leurs parapluies ne se retournent pas !
County Hall
De nos jours, County Hall est, pour l’essentiel, un hôtel. Néanmoins, la Council Chamber octogonale est parfaitement préservée du monde moderne. D’une capacité de 200 personnes, la salle est somptueusement décorée de marbre noir et vert venu du continent.
Royal Automobile Club
Conçu par les architectes de l’hôtel Ritz, le Royal Automobile Club de Pall Mall dispose de son propre champ de tir, d’une piscine en intérieur et de bains turcs. Il a été construit sur le terrain d’un autre Old War Office, Cumberland House, dans un style parisien grâce au travail expert d’artisans français.
Cave à vin du roi Henri VIII
L’un des seuls vestiges du palais de Whitehall, résidence principale des Tudor et des Stuart, détruit par un incendie en 1698. Cette cave de trois mètres de côté et de six mètres de profondeur subsiste grâce au ministère de la Défense, après avoir été déplacée et enveloppée d’acier et de béton à la demande de la reine Mary (1867-1953), afin de la préserver d’un réaménagement lors de la construction des nouveaux bâtiments du ministère de la Défense juste au-dessus.
Royal Institution
Votre quête d’inspiration scientifique prend fin ici. Le laboratoire de Michael Faraday, lieu de ses découvertes sur l’électromagnétisme, est conservé au sous-sol, tandis que l’atelier, avec son papier peint japonais du XIXe siècle et sa table de travail originale, a été soigneusement adapté au confort du XXIe siècle.
L. Cornelissen & Son
Ce n’est pas la boutique à baguettes magiques d’Ollivander, mais cela y ressemble. En activité depuis 1855, cette boutique située à quelques pas du British Museum a conservé son aménagement victorien et est un véritable aimant à artistes. Elle dispose de tout le nécessaire pour réaliser des œuvres d’art.
Geo F. Trumper
Décoré de vitrines et de cabines individuelles en acajou, ce barbier est l’un des derniers à faire honneur à la tradition des gentlemen. Construit en 1912, cet élégant établissement de Mayfair situé sur Curzon Street est une relique qui continue de remplir sa fonction.
In and Out Club
Plus convenablement appelée Naval and Military Club, cette institution a été ouverte en 1862 en tant que confortable résidence londonienne pour les officiers de la Royal Navy, Royal Marines, Royal Air Force et British Army. « In and Out », son surnom, tire son origine des portes pour les calèches de Cambridge House, l’ancien quartier général du club situé au 94 Piccadilly, et a suivi le club house jusqu’au 4 St James’s Square. T. E. Lawrence et Ian Fleming, le créateur de James Bond, sont notamment membres du club.
Marlborough House
Construite en 1711 pour Sarah Churchill, la première duchesse de Marlborough, cette maison est aussi un palace royal. En 1959, elle devient le quartier général du Commonwealth à la demande de Sa Majesté la reine Élisabeth. Les intérieurs couleur lavande, en partie remodelés par William Chambers, constituent son plus beau trésor.
John Lobb Ltd
Fabricant de chaussures élégantes dont les clients incluaient les regrettés Frank Sinatra et Princesse Diana. Modèle Oxford ou Brogue, cuir de veau ou d’autruche, vous trouverez de tout. Mais la qualité a un prix : une paire de chaussures peut coûter jusqu’à 4 000 £ et nécessiter jusqu’à six mois de travail.
National Liberal Club
Acclamé en 1887 comme le club house le plus respecté de la métropole britannique, il a été fondé par le Premier ministre W. E Gladstone. Bien que les non-membres disposent d’un accès limité, l’intérieur raffiné au style néo-Renaissance est le travail d’Alfred Waterhouse, architecte du National History Museum. Ce club est le décor de films tels que Skyfall (James Bond) et Doctor Strange (Marvel).
Regent Street Cinema
Aujourd’hui indépendant, ce cinéma au style Art déco est plus ancien qu’il ne paraît. Au-dessus du plafond de voûtes en berceau de l’auditorium se cache un toit en fonte de 1848. Les premières projections étaient certainement bien différentes des projections modernes en haute résolution. À l’époque victorienne, le public y venait voir des diapositives de la lanterne magique ainsi que des représentations, telles que L’homme hanté de Charles Dickens.
The Wolseley
Construit en 1921 pour servir de salle d’exposition pour les voitures Wolseley, l’intérieur est un mélange saisissant de plafonds florentins voûtés blancs et de laque chinoise noire sur un sol en marbre noir et blanc. Pendant près de 80 ans, ce lieu a servi de vitrine à la banque Barclays, avant de devenir le restaurant Wolseley en 2003.
Cathédrale de Westminster
Nichée à moins de 15 minutes de son quartier voisin plus populaire, la cathédrale de Westminster se caractérise par son extérieur à l’architecture néobyzantine et italienne et ses bandes rouges et blanches. Construite en 1850, le clocher ou la tour offrent une des plus belles vues sur Londres.
Westminster School
L’école, qui fait partie du site du patrimoine mondial de l’abbaye de Westminster, a été construite entre 1090 et 1100 dans une partie du dortoir de l’abbaye bénédictine. Le College Hall est encore un réfectoire médiéval authentique, aujourd’hui appelé Refectory. Les deux bibliothèques du XVIIe siècle, Dr Bushby’s Library et Ashburnham House, valent également le détour. Les anciens élèves comprennent Christopher Wren, l’architecte de la cathédrale Saint-Paul, et A. A. Milne, l’auteur de Winnie l’ourson. Des visites de certains bâtiments historiques sont ouvertes au public pendant les vacances scolaires.
L’écrivain et historien CLIVE ASLET est professeur d’architecture détaché de l’université de Cambridge et co-auteur de « The OWO ». Son dernier livre, « Sir Edwin Lutyens: Britain’s Greatest Architect? » (Triglyph Books) a été publié en mai 2024.
Photos de Dan Welldon
Recherches supplémentaires de Rebecca Lilley